mardi 1 septembre 2015

[Manga] Sing yesterday for me, tomes 1 et 2, Kei Toume

Sing yersterday for me
Kei Toume

Tomes 1 et 2
Éditions Delcourt, collection seinen
Janvier/octobre 2003

Ma note : 2/5

Une jolie BD qui évoque avec tendresse les angoisses de l'auteur, dans lesquelles on se reconnaît bien souvent.
Résumé
Uozumi vient de terminer ses études à l'université, et, pour le moment, se contente d'un job de vendeur dans un "convenience store" (une supérette). Un jour, il rencontre une étrange jeune fille accompagnée d'un corbeau. Cette fille nommée Haru prends l'habitude de rendre régulièrement visite à Uozumi et peu à peu, tous deux deviennent amis. Le lendemain de leur rencontre, Uozumi retrouve Shinako, dont il était amoureux avant qu'elle ne quitte Tokyo, sans lui laisser le temps de déclarer sa flamme. Laquelle des deux jeunes femmes parviendra à conquérir le cœur d'Uozumi...
Mon avis

Vous n'en avez peut-être aucune espèce d'idée, mais depuis quelques temps, je suis dingue des seinens. Si l’appellation ne vous parle pas du tout, sachez qu'on peut (très très) grossièrement classer les mangas en trois catégories selon leur public (en tout cas en France, où le choix n'est pas aussi large qu'au Japon) : les shojos (shojo signifie "jeune fille" en japonais) : histoires souvent sentimentales pour un public ciblé jeune et féminin (ouais, c'est très genré malheureusement) ; les shonens (shonen signifie "adolescent") : les mangas pour jeune public, ciblé essentiellement masculin, du type Naruto, Bleach et One Piece ; et les seinens, dont la cible première d'origine est un public de jeunes adultes masculins (c'est à dire qu'il a été pré-publié dans un magazine à destination d'un public de jeunes hommes). En France, en gros, les seinens, ce sont les mangas "pour les grands" (sans ciblé de genre en particulier a priori).

Quand j'étais jeune, je lisais énormément de mangas, mais surtout des shojos et des shonens (encore aujourd'hui, un de mes préférés reste One Piece), et j'ai rapidement ressenti une forme de frustration : les situations et les personnages étaient trop simples, trop puériles, et surtout, les schémas narratifs et scénaristiques étaient toujours les mêmes. Je pensais être vouée à devoir me satisfaire de ça, jusqu'à ce que je découvre récemment les seinens, par le biais d'un auteur, Inio Asano, auquel je voue aujourd'hui un culte sans modération (il y a un autel pour lui dans ma chambre et mes chats déposent des verres de vodka devant son portrait). Bref, on dérape un peu, j'avais pas prévu de vous faire ma biographie. Toujours est-il que dans les seinens, on trouve de pures merveilles.

Il y a peu de temps, j'ai lu que le manga de mon illustrateur/trice préféré(e), la/le (je ne sais, et qu'importe) russe Ilya Kuvshinov (attention ça déchire !) était Sing yesterday for me. Il/elle aime aussi Inio Asano, et ses dessins aux ambiances sublimes montrent bien qu'il/elle est touché(e) par la beauté de l'instant, d'un sourire ou de la manière dont tombe la lumière sur une jeune japonaise. En gros, je me suis dit : "bon sang, si il/elle aime ce manga, il doit être fort chouette". Et j'ai trouvé les quatre premiers tomes pour pas cher du tout.

Ilya Kuvshinov a fait une vidéo pour célébrer la fin du manga (10 tomes, série achevée en 2015). Il/elle a coloré et animé des planches originales, et le résultat est magnifique. Vous pouvez la regarder pour avoir un aperçu du style du manga. Garanti sans spoilers !


Bon, maintenant, parlons du manga ! J'ai lu les deux premiers tomes, je vous parlerai ensuite des tomes 3 et 4.

Pour sa défense... c'est un vieux manga (la série a commencé en 1997 au Japon, c'est-à-dire il y a 18 ans). En gros, on suit 3, puis 4 personnages (deux jeunes d'environ 16/17 ans, et deux jeunes adultes d'environ 25 ans). Le héros, Rikuo Uozumi, le personnage masculin "adulte", est aussi savoureux qu'un bouillon sans sel, c'est à dire absolument pas. Il est lisse, on ne sait pas ce qu'il aime (à part les femmes), on sait juste que c'est un "freeter" (un jeune vivant de petits boulots, au Japon) qui bosse dans une supérette. Il est vaguement sympa, et physiquement, il est sérieusement commun. Soit, à la limite, on pourrait rétorquer : "Mais tu vois, c'est comme une page blanche, c'est pour mieux s'identifier". Ah. Bien. L'autre personnage masculin est plus intéressant, même s'il frôle parfois le cliché de l'adolescent sûr de lui qui veut protéger la fille à tout prix (sérieux, mec, va d'abord faire tes devoirs).

La situation est un peu meilleure avec les femmes. Shinako, l'adulte, est de plus en plus touchante à mesure qu'on avance dans l'histoire. Son passé semble intéressant, et malgré son apparence de jeune femme modèle maitrisant son quotidien, elle semble avoir des faiblesses et être prête à s'effondrer à n'importe quelle page. Cependant, la plus chouette reste Haru, la jeune fille que vous pouvez voir sur les couvertures. Elle a une coupe de cheveux un peu ésotérique, et elle est vive, intelligente, et absolument pas geignarde ou dans une posture de jeune fille réclamant protection et assistance (ce qu'on aurait pu craindre, vu sa situation). Elle est réaliste et dégourdie, je l'aime vraiment bien.

Par contre, en gros, pour l'instant, je peux résumer l'histoire comme ça : c'est Uozumi (le héros), qui croise Haru au supermarché. Ensuite, il sort et là, oh ! il croise Shinako dans la rue qui rentrait du boulot (notez qu'il n'y aura jamais personne d'autre dans la rue, ils sont quatre à Tokyo). Quand Shinako prend congé d'Uozumi, elle tombe sur Haru, qui venait de croiser le deuxième garçon ! Oh la la ! Que de rebondissements ! Du coup, à chaque fois, on parle un peu de la pluie et du beau temps, de la rentrée des classes, puis on enchaine sur des considérations sur la vie, on avance un peu dans le fouillis sentimental, tout en regardant le ciel. Le tout est assez brouillon, on ne sait pas toujours qui parle, ni pourquoi telle personne a répondu ça, ni ce qu'il a vraiment voulu dire (ça, à la limite, ce n'est pas si grave, ça fait partie du mystère d'une œuvre, et ça me plait bien chez Inio Asano).
Je pourrais me contenter de ce côté "bavardages sur la vie et ses méandres", si les situations n'étaient pas aussi affreusement répétitives, si le personnage principal se sortait un peu les doigts, et si c'était plus clair d'un point de vue purement plastique (Mais c'est peut-être la traduction qui fait ça ? J'en doute).
 Hey Rikuo, salut, ça fait 8 fois qu'on se croise par hasard en 2 jours !
© Kei Toume

Le dessin, quant à lui, est simple, les personnages sont reconnaissables, mais ne se différencient pas tant que ça les uns des autres. Les décors sont sommaires (mais c'est un vieux manga - et pour une suite de rencontres au supermarché ou dans la rue, à la limite...), et parfois, certains éléments piquent les yeux, comme des perspectives absolument incongrues. En tout cas, les expressions faciales sont assez bien rendues. Et même si le corbeau de Haru ressemble à un gribouillis au stylo Bic noir, ce n'est pas si grave, ça lui donne honnêtement un style.
En bref
Ce seinen au rythme lent est plutôt agréable à lire, pour peu qu'on aime suivre les pérégrinations mentales et affectives de personnages au gré des saisons, mais moi j'aime plutôt ça. Cependant, Sing yersterday for me pioche parfois dans les codes du manga shojo, et je trouve ces parties assez ridicules et incongrues, pas assez matures par rapport au reste. On ne peut pas vraiment juger le style graphique, mais il est très correct ; cependant, il y a de gros problèmes de lisibilité et d'enchaînement des dialogues, ce qui rend la lecture parfois un peu laborieuse.

Je pense entrevoir des similitudes entre certaines ambiances de ce manga, et d'autres du travail d'Ilya Kuvshinov. J'apprécie dans cette œuvre le balancement des personnages dans un monde qui ne les accepte pas, ou qu'ils n'acceptent pas totalement, et j'adore vraiment suivre le parcours de Haru, cette jeune fille ayant abandonné le lycée pour travailler dans un bar, pour des raisons encore obscures. Je vais donc continuer, avec un certain plaisir, mais si vous recherchez un bon manga seinen, je vous conseillerais plutôt Bonne nuit Pun-Pun (de Inio Asano), qui est pour moi une pure merveille en ce qui concerne la représentation d'humains perdus dans les remous de la ville et de la vie en général (à vous tirer des larmes de plaisir esthétique et de contentement intellectuel, sérieusement).

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